Brésil: Défiler à Rio

Un reportage sur le défiler à Rio effectué par Justin Janvier. Il donne des conseils pour participer pleinement à cette festivité. 

 

La chasse à la fantasia

Le sésame pour le carnaval, c’est la « fantasia », un des nombreux costumes imaginés chaque année par les écoles de samba en fonction du thème de leur défilé. Chaque modèle est généralement fabriqué à hauteur de cent ou deux cents exemplaires. Une partie est destinée aux habitants de la « communauté » de l’école qui assistent aux répétitions depuis le mois d’août. Le reste est vendu à qui le souhaite, jusqu’à épuisement du stock : certaines fantasias étaient encore disponibles dans les jours ultimes.
Pirates, princes du désert, faune variée… les costumes les plus épiques sont proposés cette année. Pour ma part, j’ai plus modestement opté pour la « feijoada » – du nom d’un plat national à base de porc et de haricots noirs – de l’école Unidos da Tijuca, qui glorifiait cette année 2003 les liens entre Brésil et Afrique. L’ambiance dans les petites écoles est réputée plus libérale que chez les favorites où la pression est très forte. Car les écoles de samba sont en compétition les unes avec les autres, départagées par un jury.

« L’esprit de carnaval »

Une fois le choix de la fantasia effectué, il est hautement recommandé de participer à quelques répétitions de son école. Les « ensaios técnicos » sont des répétitions grandeur nature dans la rue, sans chars ni costumes. Sous les yeux de centaines de passants, des danseurs de tous âges virevoltent, fortement soutenus par l’ensemble de percussions – la « bateria ». Chaque école organise par ailleurs des « noites de samba » (nuits de samba), en général le samedi : jusqu’à l’aube, des milliers de danseurs exécutent des sambas endiablées, toujours au son de la bateria, dans un grand local appartenant à l’école (la « quadra »). Une petite participation est demandée à l’entrée (généralement entre 3 à 6 €). Les Cariocas se rendent en nombre à ces fêtes phénoménales.
De fait, les répétitions des écoles de samba valent le détour même pour ceux qui ne participent pas au défilé ; c’est sans doute un des meilleurs moyens de tutoyer le fameux esprit de carnaval brésilien. Elles permettent en outre de se familiariser avec le « samba de enredo » de l’écolel’hymne qui sera chanté par tous les danseurs lors du carnaval : pour qui souhaite défiler, il est conseillé d’en connaître au moins les refrains.

La concentration

Les dernières répétitions achevées, le carnaval peut commencer. Les défilés ont lieu au « sambodromo », une piste de 650 m entourée de gradins située dans la zone nord de la ville. Sept écoles défilent quotidiennement, de 21 h à l’aube. Pour ce qui me concerne, ce sera dans la nuit du lundi au mardi, vers minuit trente, avec un rassemblement à partir de 22 h. Les alentours du sambodromo donnent le ton : des centaines d’échoppes proposent bières ou souvenirs au chaland sur des fonds musicaux divers. Des milliers de personnes circulent, dans une composition surréaliste de couleurs ; difficile de me frayer un passage revêtu de ma volumineuse fantasia ! Sur la piste d’accès au sambodromo, c’est pour l’instant l’école de Mangueira, championne en titre, qui se prépare : une bonne occasion pour en admirer tranquillement costumes et chars. Un peu plus loin, de nombreuses têtes de porc (délicat couvre-chef de ma fantasia) signalent mon arrivée à bon…port. On discute, on boit une bière, l’ambiance est détendue. Bientôt, l’école de Mangueira entre dans le sambodromo, laissant la voie libre à Unidos da Tijuca.

Et soudain, le sambodromo…

Regroupés par fantasia, nous prenons possession de la piste d’accès. Les « harmonias » (coordinateurs) de l’école essaient tant bien que mal de nous aligner. Commence la seule partie un peu pénible de l’aventure : une attente de plus d’une heure debout, sans pouvoir bouger. Une à une, les danseuses montent sur les chars et se préparent. Finalement, les harmonias passent entre nous en chantant notre samba, bientôt repris par tous. Le cortège s’ébranle, les cœurs battent, même si nous sommes encore loin du sambodromo. Un feu d’artifice annonce notre entrée au moment où la sono crache le samba de enredo de Unidos da Tijuca. Nous ne sommes plus qu’à quelques dizaines de mètres de la piste de défilé, tous les participants chantent et dansent déjà à en perdre la tête. Un dernier virage… c’est l’entrée dans le sambodromo ; chaque danseur profite de cet instant magique sous les yeux de quelque 90 000 spectateurs.

Passent peu à peu les gradins, les loges des jurys et trop vite se profile la grande arche, terme du défilé. Pendant une heure et demie, nous avons dansé et chanté sur la même chanson, sans aucune lassitude. Impossible d’assister au spectacle des autres écoles à moins de disposer d’un billet. Mais les stands entourant le sambodromo proposent boissons et nourriture pour se remettre de ses émotions.
Les résultats sont annoncés le mercredi des Cendres. Unidos da Tijuca termine neuvième sur quatorze. Je ne me suis rendu compte de rien, mais nous avons subi différents contre-temps : un char a cassé avant même son entrée en lice, une danseuse a fait une chute de plusieurs mètres, notre reine a dû défiler pieds nus… Nous ne faisons donc pas partie des cinq meilleures écoles, appelées à défiler de nouveau le samedi suivant. Qu’importe, les souvenirs sont gravés.
Les touristes dénaturent-ils le carnaval ? La polémique enfle à Rio : certains condamnent la présence de personnes qui ne savent pas danser la samba et ne connaissent même pas le samba de enredo de leur école. D’autres considèrent que cela fait vivre le carnaval. Sur place, l’ambiance est garantie et l’accueil excellent : essayez simplement de respecter l’énorme travail que représente ce défilé en assistant à quelques répétitions… Le reste suivra tout seul !

Carnaval pratique

Les écoles de samba sont divisées en deux groupes : le « grupo especial », l’élite, appelée à défiler les dimanche et lundi, et le « grupo de acesso », sorte de deuxième division du carnaval, qui défile le samedi. Les écoles du grupo especial disposent généralement d’un site internet très complet (voir plus bas), proposant les photos des fantasias et les coordonnées des fabricants, les dates et lieux des répétitions et du défilé, le texte et la musique du samba de enredo. Au moment du carnaval, les journaux diffusent également ces informations.

Achat de fantasias
Le prix d’une fantasia varie entre 50 à 150 € environ, une somme très conséquente pour la plupart des Brésiliens. Les fabriques – artisanales – se situent souvent dans des zones déconseillées aux touristes. Il est possible de se faire livrer moyennant une transaction bancaire simple et une petite commission supplémentaire. Les personnes désirant défiler ensemble doivent choisir la même fantasia.

Se rendre au sambodromo
Il est évidemment recommandé de se rendre au sambodromo sans objets de valeur et avec le strict argent nécessaire. Outre le jour et l’heure du défilé de son école, il est crucial de connaître son lieu de rassemblement : la « concentraçao »a lieu selon les cas derrière les gradins pairs ou impairs du sambodromo et il est impossible de traverser ! Tout le monde se rend sur place déjà revêtu de sa fantasia. Préférez le métro ou le taxi au bus. Pour le métro, descendez à la station « Central » ou « Praza 11 », selon le lieu de la concentraçao.

 

Source: http://www.routard.com/mag_reportage/43/defiler_a_rio.htm